Chaque mois, le journal Epix vous propose un entretien avec une voix française parmi les plus célèbres de France. Tom et Bastien, tous deux passionnés de doublage, ont rencontré pour vous ces voix qui ont pu bercer votre enfance ou vous faire vibrer au cinéma. Ce mois-ci, nos deux rédacteurs ont reçu Jérémie Covillault, entre autres la voix de Smaug le dragon du Hobbit, Tom Hardy ou encore Kai de Kung Fu Panda 3.
Comment est venu le doublage dans votre vie d’acteur ?
J’avais pas loin de 20 ans -ça remonte à 25 ans ! J’avais eu une première expérience en studio pour la post-synchro d’un film que j’avais déjà tourné. On m’avait dit par la suite que si ça m’intéressait, je pouvais faire ça plus souvent. J’ai ensuite un film italien où je doublais le fils d’un acteur italien, doublé par Bernard-Pierre Donnadieu, que j’aimais beaucoup. A cette époque, il y avait de grosses grèves dans le doublage ! On réclamait des droits, l’activité du doublage s’est arrêtée et je m’en suis éloigné.
Il y a environ 12 ans, Hervé Rey, un bon copain à moi, m’entend dans un film ou autre chose. Hervé m’appelle en me disant que ma voix avait changé, vers mes 30 ans. Il m’a dit que je pouvais vraiment faire du doublage avec cette voix. Il m’a fait venir sur des plateaux, m’a présenté plein de gens…et j’ai fini par trouver un grand intérêt à ce métier d’acteur, et petit à petit ça m’a amené vers les gros rôles, comme Tom Hardy.
Quel travail fait-on sur sa voix pour descendre un octave plus bas ?
Il suffit de placer sa voix avec le ventre et bien travailler avec le diaphragme ! C’est surtout une question de respiration, et c’est très important dans ce métier. Et une voix grave, il faut pouvoir la tenir tout un film ! D’autant qu’elle est beaucoup plus fragile qu’une voix aiguë, contrairement à ce qu’on croit.
Avez-vous déjà rencontré Tom Hardy ?
Oui, à l’avant première de Batman Dark Knight Rise. La veille de la sortie, aux USA, il y a eu une fusillade dans un cinéma où était diffusé le film. Ca a été annulé et on s’est tous retrouvés au Bristol à Paris avec tous les acteurs. On a dîné tous ensemble et on m’a présenté à lui comme étant sa voix française. Il a adoré et on a bu ensemble. On s’est vu au Rex le lendemain et je l’ai emmené chez des amis et on a joué au Poker. Depuis, quand je le croise, il dit : »My French voice » ! C’est un gars très gentil, on a envie d’être copain avec lui.
Le doublage de films d’animation diffère t-il beaucoup d’un exercice avec de vrais acteurs ?
L’animation permet d’aller plus loin dans la voix, alors que doubler un être humain implique une relative sobriété. Le champ est beaucoup plus ouvert avec l’animation et il ne faut pas hésiter à se lâcher. En tous cas ce n’est pas du tout la même chose. On peut même passer dans la création de voix, comme pour Donald Reignoux.
Avec la crise actuelle, est-ce que votre activité de comédien a été beaucoup chamboulée ?
Surtout au théâtre, puisque les salles de spectacle ont été fermées le 13 mars 2020 (jour de mon anniversaire !). Je devais faire le festival d’Avignon l’an dernier. Mais j’ai la chance de pouvoir faire des voix, même si on n’a rien fait durant les deux mois de confinement. Et le jour du déconfinement, le 11 mai, j’ai dû recevoir au moins 5 coups de fil ! J’ai pu retravailler vite et beaucoup.
Michel Elias refuse de porter l’unique étiquette de voix française. Est-ce votre cas ?
Bien sûr ! On est acteurs avant toute chose. Le terme de doubleur m’énerve un peu, car je suis certes une voix, même plusieurs, mais je suis acteur. En France, on a vite fait de nous mettre dans des petites cases. Si l’on est dans la pub, on va l’appeler Mr Peugeot, Mr Renault…juste la voix de la pub.
Les barrières tombent petit à petit, mais c’est encore assez cloisonné.
Êtes-vous sensible aux gens qui veulent se lancer dans ce métier, lorsqu’ils vous le demandent ?
Les gens dans le doublage, en général, sont très bienveillants. Il n’y a pas de réelle concurrence dans ce milieu, même s’il est tout petit. Il m’est arrivé de brancher des amis dans le métier, y compris un qui a aussi une voix grave. Vu la conjoncture actuelle, c’est encore plus compliqué de rentrer, mais si je peux aider je le fais ! En général, je demande une bande démo que je fais envoyer de ma part à des directeurs artistiques que je connais. Ca me fait très plaisir de tendre la main.
Y a t-il un rôle que vous auriez aimé faire ?
Oui, un qui m’ennuie beaucoup par rapport à Tom Hardy : je ne le double pas dans Peaky Blinders. J’adore cette série, et vraiment ça m’a déçu de ne pas pouvoir le faire dedans. Car il y fait un travail incroyable. J’avais fait des essais au début, mais on ne m’a pas pris.
Si Tom Hardy prenait James Bond, conformément aux rumeurs, je serais ravi de sortir sa réplique culte (« je suis Bond. James Bond »). J’aurais aussi beaucoup aimé faire Robert de Niro, mais je suis trop jeune pour le faire.
Un grand merci à Jérémie Covillault pour sa gentillesse et toute la passion qu’il nous a transmise durant une heure d’entretien.
Image de couverture : Portrait de Jeremie Covillault, connu pour sa performance sur Tom Hardy – ©Celine Nieszawer
Bonjour
Après lecture de cet article, j aimerai justement pouvoir être caste pour ma voix . Pourriez-vous m indiquer des pistes .
Merci pour votre aide
Très sincèrement.