Affiche du film En attendant Bojangles de Régis Roinsard

En attendant Bojangles : De la passion à la folie

En ce début d’année, je souhaite te livrer mes impressions sur En attendant Bojangles, le dernier film de Régis Roinsard. Nous retrouvons en tête d’affiche Virginie Efira et Romain Duris. D’ailleurs n’hésite pas à aller lire ma critique sur Eiffel, film sorti fin de l’année dernière où Romain Duris nous livrait déjà une excellente prestation.


À la découverte du titre

Tout d’abord, sache que c’est une adaptation du roman du même nom d’Olivier Bourdeaut.
Ce best-seller français de l’année 2016 a été primé par France Culture, RTL Lire et France Télévision.
Il a déjà été adapté en bande dessinée et en pièce de théâtre. Le film n’est donc que la suite logique de ce succès fulgurant.
De plus, je ne sais pas pour toi, mais, personnellement, je n’avais aucune idée de comment ce titre se prononçait. J’ai alors énoncé celui-ci avec une réelle hésitation lors de la prise de ticket devant la caissière. Malheureusement pour moi, ma prononciation n’était pas la bonne !
C’est pourquoi j’ai décidé de t’aider en te partageant la bonne prononciation. Afin que tu puisses de ton côté, passer cette épreuve avec brio. Voici donc comment se prononce celui-ci : « Bo-Jean-Gueule-Ss », ou pour les adeptes de la phonétique : [boȝãgœlz].

Au cœur de l’intrigue

Nous rencontrons Georges, menteur émérite auprès de la haute société. En effet, celui-ci n’hésite pas à raconter les aventures extraordinaires de sa famille – aventures totalement mensongères – durant des soirées mondaines pour lesquelles il n’était pas convié.
Durant l’une de ces fêtes, il fait la rencontre de Camille, pour laquelle le coup de foudre est immédiat.
Après avoir passé la soirée et la nuit en sa compagnie, celui-ci est intimement convaincu d’avoir rencontré la femme de sa vie.
S’ensuit alors leur nouvelle vie à deux, puis à trois, avec la naissance de leur fils Gary.
Leur vie n’est que fantaisie, danse et amis. Les problèmes d’adultes sont jetés au placard. Pour eux, la vie n’est que plaisir et non contrainte.
Comme tout bonheur n’arrive jamais seul, les problèmes viennent à leur rencontre et cette confrontation est brutale. Mauvaise vente de son entreprise pour Georges, problème émotionnel pour Camille et impôts mal payés pour la famille.
Si certains de leurs problèmes arrivent à être résolus, les problèmes émotionnels de Camille s’amplifient jusqu’au point de non-retour.
À partir de là, ils tentent de déterminer la source de ces changements brutaux d’émotions et de les soigner.

L’émotion au rendez-vous

Le film se passe donc en deux temps.
Durant la première partie, Georges, Camille et Gary vivent au gré de leurs envies, sans penser au lendemain.
La suite est plus grave, les problèmes commencent à apparaître et des nuages assombrissent considérablement le quotidien de la famille.

Bande d’annonce du film – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022

Le sourire aux lèvres

1ère rencontre et 1ère danse entre Georges et Camille – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022
1ère rencontre et 1ère danse entre Georges et Camille – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022

Nous constatons que Camille et Georges ont une passion commune pour la danse. Ils adorent danser et tout particulièrement sur la chanson Mr Bojangles. Quand ils dansent, ils oublient le monde et s’en créent un nouveau dans lequel il n’y a qu’eux et la musique.
Chaque scène de danse est un somptueux ballet que nous prenons plaisir à regarder.
Tout cela est accentué par le jeu d’acteur de Virginie Efira et de Romain Duris qui nous livrent un jeu de regards et d’émotions d’une intensité remarquable.

Leur mode de vie est des plus joviaux, nous fait rêver, c’est presque une utopie de la vie. L’amusement et la gaieté sont les maîtres mots de leur relation, de leur quotidien, de leur couple et de leur famille.

Une soirée normale chez Camille et Georges – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022
Une soirée normale chez Camille et Georges – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022

Dans leur univers, le courrier est envoyé valsé dans un coin de l’appartement. Les leçons sont apprises en s’amusant. On invente un mensonge sur un événement négatif afin d’avoir moins de mal à l’avouer par la suite. Chaque soir, on fait la fête. On danse toute la nuit. On se prénomme différemment de la veille, car à quoi bon se contenter d’être qu’une seule personne, d’avoir qu’un seul prénom, un seul métier, la vie est bien trop courte pour cela…

Les larmes aux yeux

La détresse de Camille – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022
La détresse de Camille – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022

La femme

La suite de l’histoire est nettement plus nuancée. Alors que dans la première partie, le grain de folie de Camille nous amusait et nous faisait rire, dans la seconde moitié du film, celui-ci commence à nous faire peur. Il se transforme progressivement en moments de délire, durant lesquels elle se met en danger et expose sa famille à des risques considérables. 

Comprenant que la situation lui échappe, Georges n’a pas d’autres choix que de donner la main à des professionnels de la santé afin qu’ils aident sa femme à s’en sortir.
Malheureusement, la médecine des années 50 et 60 n’étant pas la même qu’aujourd’hui, l’internement et les traitements que subit Camille nous émeut particulièrement. Virginie Efira nous offre une prouesse émotionnelle exceptionnelle, passant du rire aux larmes, de la joie à la tristesse, nous emportant avec elle dans sa descente aux enfers.

Le fils

S’ajoute à cela la douleur de Gary, qui voit sa mère plonger dans la folie et son père meurtri par le chagrin. La performance du jeune acteur, Solàn Machado-Graner est d’une justesse sans pareil. Cela nous amène à éprouver une réelle compassion pour ce fils qui découvre brutalement le côté sombre de la vie.

Le mari

La détresse de Georges est de son côté, magnifiquement retranscrite par Romain Duris qui nous offre là encore, une superbe prestation. En effet, Georges, toujours aussi amoureux de Camille, voit son monde s’écrouler au fur et à mesure que la folie s’empare de sa femme. Cette tristesse et cette incompréhension de la situation se lit sur le visage de celui-ci. Il arrive par là même, à nous faire partager son chagrin.

L’ami

Charles, l’ami de longue date de Camille, devenu au fil du temps un membre à part entière de la famille, nous inspire une sympathie immédiate. Grégory Gadebois, son interprète, nous fait ressentir un certain attachement, attendrissement, pour ce personnage, qui observe cette famille devenue la sienne, succomber dans la tristesse et perdre peu à peu sa joie de vivre.

L’envers du décor

Durant ces deux heures de film, nous pouvons apercevoir différents paysages, tous plus splendides les uns que les autres.
Les cadres et les prises de vue nous font voyager. 
Que ce soit à travers le temps, avec le style vestimentaire, musical et culturel de l’époque. 
Ou à travers l’espace, avec les paysages et les décors des différentes scènes.
La destination finale de ce voyage n’est autre que l’Espagne et ce magnifique et grandiose château, à l’abord de la Méditerranée.

Le château en Espagne – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022
Le château en Espagne – © En attendant Bojangles – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022

Et que dire des dialogues… 
Le langage soutenu utilisé dans certaines scènes est selon moi, une ode à la langue de Molière. C’est un réel bonheur auditif d’entendre ces phrases tout droit sorties d’un autre temps.
C’est un autre style de danse, mais les scénaristes ont permis aux mots de danser, eux aussi, alors même que la danse fait partie intégrante du film.

Je soulignerais aussi l’importance du message derrière ce film, sur un sujet loin d’être simple. En effet, on nous expose comment la dépression et la maladie mentale sont vécues physiquement et mentalement par la personne concernée et l’impact que cela a sur son entourage. Un thème sensible et complexe, mais abordé avec beaucoup d’humanité et de profondeur.
Si ce sujet t’intéresse et que tu souhaites t’enfoncer toi aussi dans cette folie, tu peux retrouver une analyse plus complète en cliquant sur le deuxième onglet.

Dans la tête du réalisateur !

Que dirais-tu de découvrir quelques anecdotes intéressantes sur le film, sa réalisation et son réalisateur ?

Merci les amis !

C’est grâce à l’entourage de Régis Roinsard que celui-ci est passé derrière la caméra. En effet, ces amis l’ont incité à lire le livre et il en est tombé amoureux. D’ailleurs, dans une interview, il explique qu’après l’avoir lu, il l’a lui-même fait lire à sa femme. Et celle-ci, sur le ton de l’humour, lui a expliqué que s’il ne réalisait pas un film dessus, elle le quitterait.

Gary, Georges ou les deux ?

Régis Roinsard a fait le choix de réaliser le film en partant du point de vue du mari. Alors que l’auteur, de son côté, a écrit le roman du point de vue du fils. Cependant, réalisateur et auteur ont eu plusieurs conversations et durant la toute première, Régis Roinsard lui avait annoncé qu’il allait “le trahir ». Il a expliqué que certes il souhaitait réaliser le film, mais il voulait le faire à sa manière. Olivier Bourdeaut, lui a accordé toute sa confiance dans cette liberté artistique et n’a apparemment pas été déçu du résultat final !
Néanmoins, si on prête attention aux détails, on s’aperçoit qu’à la fin du film, on bascule doucement vers le point de vue de Gary.

À l’aveugle !

Régis Roinsard a souhaité créer le film avec sa propre interprétation. Il n’a donc pas voulu être parasité par l’adaptation d’autrui. C’est pourquoi il a délibérément refusé de regarder la pièce de théâtre et de lire la bande dessinée qui étaient déjà sortis, afin de ne pas s’en inspirer.

Alors on danse !

Si tu ne l’as pas encore compris, la danse est un élément indissociable du film. C’est pourquoi Régis Roinsard a demandé à des professionnels de l’aider pour les chorégraphies. Pour cela, il a principalement  laissé Marion Motin gérer ces scènes. Son nom ne te dit peut-être rien, mais c’est elle qui est derrière certaines chorégraphies de Christine and the Queens et Stromae.

Modification temporelle

Ayant une légère préférence pour les années 50 et 60, Régis Roinsard a choisi de modifier l’époque durant laquelle l’histoire se passe. Pour lui, les années 50 et 60 sont les années qui représentent l’époque de la liberté et de la fête.
Alors que si on se réfère à certains évènements, l’histoire devrait se dérouler dans les années 90.  En effet, on apprend que Charles a rendu le contrôle technique obligatoire, afin que Georges, propriétaire d’un garage, ne puisse jamais être en manque de client. Or, l’obligation d’un contrôle technique ne s’est faite qu’en 1992.

Alors, convaincu ?

Nous avons donc un film d’une qualité exceptionnelle et d’une justesse sans pareil. Il nous fait passer du rire aux larmes en un claquement de doigts. Les dialogues et musiques sont envoûtantes. Et pour finir, les acteurs nous offrent une prestation des plus abouties, tout en nous délivrant un message intensément profond.

Si tu aimes les films ayant une palette émotionnelle riche, alors il ne fait aucun doute que ce film est fait pour toi. Tu n’as donc aucune raison de ne pas aller le voir.
N’hésite pas de me faire part de ton propre ressenti en commentaire, car étant de nature curieuse je serais très heureuse de savoir comment tu as vécu ce film de ton côté !

Une petite piste musicale pour accompagner ta lecture si tu le souhaites !

En attendant Bojangles

Entre « en attendant Godot » et des sonorités qui t’embarquent sur un air de jazz, Bojangles. 
Le nom semble swinguer, tu ne trouves pas ? Tu ne t’attendais peut-être pas à ça, mais dès le titre le ton est donné. C’est une invitation à entrer dans la danse. Un tourbillon incessant et insensé qui est prêt à te happer pour ne plus te lâcher.

Les plus mélomanes d’entre nous, auront probablement tout de suite reconnu la référence de ce nom : le morceau “Mr. Bojangles” dont la version de Nina Simone semble la plus reconnue, mais qui est loin d’être la seule existante ! 
Ce morceau a été écrit par Jerry Jeff Walker, un artiste américain de musique country. Il s’inspire de sa rencontre avec un sans abri dans une prison de la Nouvelle-Orléans dans les années 60.
De très nombreux interprètes populaires comme Whitney Houston, Bob Dylan, Robbie Williams, Elton John, Hugues Aufrey (eh oui !) se sont appropriés ce morceau avec plus ou moins de liberté. 

La version plébiscitée dans le livre est celle de Nina Simone, ce qui n’est pas le cas dans le film où le titre est interprété par Marlon Williams. 

Une chanson qui semble ainsi traverser les époques, se réinventer et s’apprécier différemment en fonction des sensibilités.

Et dans le film, ça donne quoi ?

Tu retrouveras ce morceau au détour de plusieurs scènes. 
L’une des plus marquantes est celle où Camille semble plongée dans un état de nostalgie profonde, où elle chante les paroles, comme pour se raccrocher à leurs vérités.
Georges explique le sens de cette chanson à son fils Gary : Bojangles est un homme aux “cheveux gris, chemise en loques et pantalon large” qui danse et saute très haut pour ramener de la vie quand il y a de la tristesse. Il avait un chien, avec qui il voyageait, mais qui est mort. Suite à cela, il commence à danser comme pour reprendre contact avec la vie. 

Créer une réalité alternative : le refus de la banalité, de l’ennui et de la contrainte 

L’une de ces thématiques qui semble la plus présente dans le film est la volonté de créer une autre vision du réel. Ce point s’observe dès le départ par la volonté de Camille et Georges de s’écarter du conformisme et de la banalité du quotidien. 
Cela se traduit notamment par le refus de la contrainte sous toutes ses formes (matérielles, intellectuelles et sociales). 

Ils créent ainsi de nouvelles règles du jeu, de nouveaux codes formant leur réalité. La banalité du quotidien est remplacée par l’intensité, la fantaisie, les actes spontanés et impulsifs. 
Cela peut créer une sensation de fluidité, car rien n’est remis en question. 

La rencontre de Camille et Georges par exemple peut se voir sur le mode de l’absurde : un homme qui s’invente plusieurs vies pour épater son public, une femme qui danse et se laisse nommer du nom qui lui plaira. 

Dès le départ, les deux protagonistes s’inventent et se laissent porter par les mots. Qu’importe la réalité de leur situation. Qui ils sont dans la vie. Ce qui importe, c’est le tourbillon, la légèreté, se laisser porter par le courant de l’exaltation.   

Et pourquoi pas ? © En attendant Bojangles – Roger Arpajou – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022 

Cette nouvelle réalité créée se matérialise par leur mode de vie, le faste des soirées, l’enivrement de la danse, mais également par l’utilisation des mots qui portent leur univers : le vouvoiement pour garder de la distance, les inventions pour masquer les peines ressenties et les mauvaises expériences dans la réalité. Les mots flottent, tourbillonnent, et font apparaître un rempart contre le réel.

Le paradoxe de la fantaisie : une liberté illusoire 

Le déni

Les règles que Camille et Georges inventent constituent le socle de leur monde, leur permettent de se démarquer, de s’évader. Oui mais voilà, cet espace créé est-il vraiment synonyme de liberté ? Le recours à l’imaginaire ne serait-il pas une forme de prison dorée ? 

Ce monde idéal, au lieu d’être un véritable vecteur d’épanouissement, peut, en effet, apparaître ici comme une fuite, un refuge. Un refus de voir les choses telles qu’elles sont : le manque d’argent, les déceptions, les mélancolies et colères de Camille qui cachent les prémisses de la maladie mentale, etc. 

C’est un peu comme s’il y avait un refus de la souffrance, une posture d’évitement pour ne pas voir tout simplement, par peur de ne pas être capable de l’affronter.

Une souffrance qui s’impose © En attendant Bojangles – Roger Arpajou – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022 

C’est tout le paradoxe de cet univers empreint de fantaisie : alors qu’il nous montre une image de perfection, il creuse l’écart avec ce qui se passe dans la réalité. 

Le faste assumé embarque, par exemple, nos protagonistes au milieu des gens, dans des fêtes à n’en plus finir jusqu’à l’ivresse, mais ils se retrouvent fermés sur eux-mêmes, en autarcie dans cet univers créé par leur propre envie. 

Ils deviennent même, par-là, des personnages de fiction qui s’inventent et se réinventent, transforment les situations, coupés de la réalité en écrivant chaque ligne de leur histoire.

L’acceptation de la réalité

Ce paradoxe s’accentue dans la dernière partie du film où tout paraît s’intensifier.
Le cadre y est idyllique dans ce qui symbolise leur rêve le plus fou : vivre dans un château en Espagne.  Un lieu majestueux mais très isolé.
Les démons de Camille semblent d’autant plus visibles et elle ne peut plus les fuir. Le voile de l’illusion tend à disparaître et à montrer que là n’est pas la véritable liberté.

C’est dans ce contexte qu’elle décide de réagir.
C’est alors une stratégie de guerre qui se crée pour aider Camille à faire face à elle-même. 
Un conseil de guerre, composé de son mari et de son fils, est établi afin de trouver des idées pouvant l’aider. Elle s’enferme dans une tour du château. Elle tente de renouer avec un sentiment de plénitude en allant nager, se laissant porter par les douces vagues ensoleillées et les fêtes que Georges organise pour elle. C’est une bataille qu’elle tente de mener pour trouver une vraie liberté cette fois.

L’amour au-delà de la folie 

Un amour comme bouclier

Un amour inconditionnel © En attendant Bojangles – Roger Arpajou – Curiosa Films – JPG Films – Régis Roinsard – 2022

L’amour est un thème omniprésent dans ce film, pour porter, contenir la progression de la folie.

Georges joue un rôle fondamental de soutien en apportant un amour inconditionnel à sa femme. Dès le départ, cet amour transparaît : “Je jure d’aimer toutes celles que vous serez et de les accompagner partout où elles iront”. Ces mots scellent et marquent le début de la dévotion de Georges pour sa femme, l’acceptant avec toutes ses couleurs, sa passion et ses failles. 
Il l’accompagne ainsi, la rassurant lorsqu’elle semble perdre pied et la suivant dans ses phases délirantes. 
C’est par exemple le cas dans cette scène où Camille sort nue dans la rue. Georges part alors à sa poursuite. On pourrait s’attendre à ce qu’il la rejoigne pour la couvrir et la ramener, mais non, il se déshabille également et la suit dans ce tourbillon faisant fi des regards. 
La transgression peut apparaître comme un acte de liberté, et ici, Georges, par ce geste, appuie l’exaltation comme un mouvement naturel. Il semble adhérer à la vision, mais aussi cadrer et soutenir sa femme telle qu’elle est.

Un amour pour tenter de sauver et guérir

Cet amour comme rempart connaît cependant des remises en question lorsque Camille commet un acte grave qui le ramène à la réalité sombre de la situation. Qu’a-t-il manqué ? Pourquoi n’a-t-il pas vu les choses arriver ? Le regard qu’il pose sur Camille à ce moment-là semble exprimer son état de choc. Mais aussi une forme d’échec ou d’impuissance. Il n’a pas réussi. C’est à ce moment-là qu’il la confie à un hôpital psychiatrique avec le même élan d’amour.

C’est ce même sentiment qui, constatant que les traitements qu’elle subit la transforment, et la traumatisent, le fait réagir et donne de nouveau du poids à la vision fantasmée du réel. 
Avec Gary, ils décident de la kidnapper et de l’amener dans un cadre rêvé avec la complicité de Charles, pour aller habiter un véritable château en Espagne. 

La scène se déroule comme un scénario parfait. Elle peut être comparé à une scène de résolution de l’intrigue. On observe un plan large sur les deux personnages marquant le final où tout se finirait bien et où ils vivraient enfin sans contrainte et libres d’être totalement eux-mêmes. 
C’est une scène où l’exaltation des débuts revient, intensifiée par toutes ces épreuves enfin traversées et derrière eux. 
Un contraste d’autant plus perturbant qu’il accueille un nouveau changement de tonalité (et non ce n’était pas fini !).

Bojangles : le thème de l’équilibre et de la mort en filigrane 

« Mr Bogangles » est un morceau qui imprègne la totalité du film et l’accompagne par ces sonorités mélancoliques. 
Il marque les tonalités joyeuses, mais aussi dépressives du scénario comme un symbole. 
Ce symbole, c’est peut-être celui de cette stabilité qui ne viendra jamais, de cette recherche de réponses, de ce positionnement face à la vie. 

C’est cette invitation à la danse pour oublier la souffrance et la mort ou encore pour honorer ceux qui sont partis comme l’histoire de Mr Bojangles et  de son chien. 

C’est l’histoire d’une personne qui a sauté si haut dans les étoiles qu’elle a du mal à redescendre. L’histoire d’une tristesse à apprivoiser. D’une joie à reconquérir, pour retrouver une sensation de liberté et de vie. 

Mr Bojangles danse ©Tricia Lynn Tomasky, octobre 2014 – Viewbug 

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