Chaque mois, le journal Epix vous propose un entretien avec une voix française parmi les plus célèbres de France. Tom et Bastien, tous deux passionnés de doublage, ont rencontré pour vous ces voix qui ont pu bercer votre enfance ou vous faire vibrer au cinéma. Pour cette troisième entrevue, Donald Reignoux. Ce formidable acteur est connu pour de nombreux célèbres rôles , parmi lesquels on retrouve Titeuf ou Lex Luthor dans Batman V Superman.
Vers quel âge as-tu commencé le théâtre ?
J’avais 10 ans, en 1992 et une amie de ma mère cherchait des enfants pour faire des voix, de véritables enfants plutôt que des comédiennes aux voix légères comme Brigitte Lecordier (voix française de Oui-Oui ndlr). Je ne pensais pas en faire un métier à vrai dire !
Comment as-tu pu en faire un métier, justement ?
C’est inhérent à la profession, tout a fonctionné par le bouche à oreille !
Ta voix est très entendue, notamment sur NRJ, aux côtés de celle de Richard Darbois (voix française de Buzz l’Eclair dans Toy Story ndlr) : comment s’est passée ta première collaboration avec lui ?
C’est simple, à chaque fois que je vois Richard, j’ai systématiquement le trac ! Pourtant, je fais énormément de choses dont beaucoup sentirait la pression, mais à chaque fois que je suis amené à le voir, je suis décontenancé ! Il est très bienveillant mais devant lui on veut faire forte impression, car ce n’est pas n’importe qui dans ce milieu.
Tu es désormais la voix française de Spiderman ! Est-ce que ça te plaît ?
Bien sûr, et je dois même dire que c’est ma plus grande fierté avec Titeuf. C’est un rêve d’enfant que de pouvoir s’approprier un super-héros, même si ce n’est que de la voix. J’y donne un petit bout de moi et c’est déjà beaucoup.
Comment travailles-tu ta voix ?
A vrai dire je ne la travaille pas à proprement parler. J’explore tout son spectre pour trouver de quoi faire. Ça passe par la recherche de graves, par des techniques que je n’ai plus pour la plupart. La voix est notre instrument et on essaie d’en percevoir toutes les subtilités. C’est même drôle de trouver des choses que d’autres ne pourraient pas faire.
La voix de Titeuf a t-elle été un « défi vocal » pour toi ?
Pas du tout ! J’avais trouvé une voix qui collait pour ce personnage et c’est un timbre qui, même toute une journée, ne me bousillerait pas la voix. Ugo, en revanche, ça tire sur les cordes vocales ! Ce qui est compliqué, c’est de bien connaître sa voix et de ressortir une réplique exactement comme on se l’imagine.
Tu fais aussi beaucoup de films et de séries, parmi lesquelles Vikings. Est-ce que le rôle de Bjorn a été plaisant pour toi ?
C’est une bonne transition avec les questions précédentes, car pour ce rôle, il a été compliqué de trouver des graves ! J’ai réussi à les trouver dans les dernières saisons au prix d’un sacré apprentissage au fil des épisodes. J’ai eu du mal à trouver la précision dans ma voix.
Parmi tes autres rôles, on peut aussi noter celui d’Harold dans la trilogie d’animation Dragons. T’es-tu attaché à ce personnage ?
On a souvent une affection pour les personnages que l’on double et ça a été le cas d’Harold ! Il y a eu les trois films, plusieurs séries avec beaucoup d’épisodes… J’ai donc développé un réel attachement, si bien que l’on n’a plus besoin de réfléchir à la manière dont on va interpréter le rôle, ça sort tout seul ! Cette proximité avec un personnage ne peut se faire que sur la durée, dix ans en l’occurrence.
Pour ce qui est de Lex Luthor dans Batman V Superman, est-il difficile de se mettre dans la peau d’un personnage qui soit fou comme lui ?
C’est vrai qu’il était difficile à prendre en main, j’ai eu assez de mal. Mais le résultat était quand même là. Que l’on aime ou non Jessie Eisenberg dans ce rôle, c’était la moindre des choses que d’être au minimum à sa hauteur.
Dans le domaine du doublage, est-il compliqué de rentrer dans la peau d’un acteur en quelques jours seulement ?
Avec les années, on nous connaît, donc on peut savoir si quelques jours suffiront pour que les choses s’imbriquent bien. Il m’est arrivé, pour une série, que l’on m’appelle pour un rôle sur lequel je n’étais pas prévu. On entend souvent les mêmes voix car les acteurs les plus actifs s’adaptent vite. C’est pour être sûr du résultat en grande partie.
Comment gère-t-on sa voix quand elle connaît une « panne » ?
Il m’est arrivé, sur un casting, d’avoir la voix inexistante. Je revenais du Japon et ma voix était entre l’éraillé et le chuchoté. Le directeur artistique a tout de même envoyé mon essai, où j’avais mis toute mon intention de jeu, et ma voix normale. Et j’ai eu de la chance car, malgré tout, j’ai été retenu !
Y a t-il des acteurs ou œuvres sur lesquels tu aurais aimé travailler ?
J’aurais adoré travailler sur South Park ! Mais j’ai vraiment été gâté par mon métier, car j’ai eu l’opportunité de faire beaucoup de beaux rôles dans ma carrière de comédien. A vrai dire, je n’ai pas énormément de regrets.
Y a t-il des comédiens qui t’ont inspiré ?
Les grands du métier comme Roger Carel et Jean Claude Donda m’ont énormément inspiré, car ils sont capables de faire partir leur voix dans tous les sens, d’être parés pour une grande variété de rôles. J’écoute religieusement Patrick Poivey, qui nous a quittés et Richard Darbois évidemment ! J’ai un immense respect pour tous les comédiens qui m’entourent et je suis à l’écoute pour apprendre d’eux.
A quel point la crise sanitaire a-t-elle impacté ton activité ?
D’août 2019 à Février 2020 j’avais énormément de travail, je courais presque partout ! Mais peu avant le premier confinement, plus rien…le confinement aux USA a aussi mis énormément de comédiens à l’arrêt, dont moi !
Mais j’ai tout même de quoi faire !
Image de couverture : Portrait de Donald Reignoux, derrière une publicité de Miles Morales ©Donald Reignoux, Instagram, 19 novembre 2020