Portrait de Bernard Gabay - ©Thierry Hugon

Rencontre : Bernard Gabay, un comédien humble et profondément sage

Note de la rédaction avant de découvrir ce super guide :

Cet article a été rédigé grâce au travail de deux rédacteurs !

Tom

Bastien

Chaque mois, le journal Épix vous propose un entretien avec une voix française parmi les plus célèbres de France. Tom et Bastien, tous deux passionnés de doublage, ont rencontré pour vous ces voix qui ont pu bercer votre enfance ou vous faire vibrer au cinéma. Pour cette quatrième entrevue, Bernard Gabay. Ce formidable acteur est connu pour de nombreux rôles célèbres, parmi lesquels on retrouve l’iconique Iron Man ou encore le séduisant Aragorn.


Bernard Gabay, vous êtes comédien dans le cinéma, le théâtre, le doublage… Mais par quelle branche avez vous commencé ?

Par le cinéma. Je faisais partie des gens qui ne connaissent personne et qui rêvent de faire ce métier qui semble inaccessible. J’habitais a la campagne et je me suis retrouvé un jour sur les essais d’un film qui s’intitule Les Turlupins de Bernard Revon. J’ai passé de nombreux d’essais puisque je n’avais jamais, ou presque, pris de cours. Mais j’ai finalement été choisi pour le rôle principal. Du jour au lendemain, j’ai eu deux mois de tournage très intensifs. C’était une expérience folle en ce sens que je réalisai mon rêve.

Donc cela peut concerner aussi ceux qui se disent que sans relation c’est impossible, alors que si, c’est possible.

Pour une série aussi longue que Les Experts : Manhattan, qui traite de sujets sérieux, comment abordez-vous une voix comme celle de Mac Taylor ? Avec des thèmes qui, dans la vie réelle, sont tout à fait valables, est-ce qu’on apprend des choses ?

La première chose que je voudrais dire, c’est qu’on ne fait pas du doublage comme ça. L’étape que tout le monde oublie ce sont les essais. Donc la première fois que j’ai doublé cet acteur, Gary Sinise, j’avais fait des essais sur un film avec Mel Gibson qui s’intitule La Rançon. Et quelques années plus tard, alors que d’autres comédiens l’avaient aussi doublé, les essais des Experts : Manhattan sont arrivés. Je ne m’attendais pas à ce que cette série rencontre un tel succès et sur tant de saisons. Et oui, bien sûr on apprend des choses, mais c’est souvent « arrangé » pour le bien de l’intrigue. Par exemple les délais de réponse de laboratoires font sourire les scientifiques avec lesquels j’ai pu dialoguer, car en général les délais sont un plus long.

De plus il faut tenir vocalement. C’est un travail éprouvant qui dure des heures et des heures. Il faut être en forme et ménager sa voix. […] Donc oui c’est un travail très difficile et un défi constant.

Bernard Gabay au micro de Tom Hargé

Vous avez doublé beaucoup d’acteurs. On peut citer Robert Downey Jr., Viggo Mortensen ou bien Ralph Fiennes. Vous avez une préférence pour un en particulier ?

Tous ces acteurs-là, je les aime pour des raisons différentes. Je suis très fan de Robert Downey Jr., parce que c’est un acteur très libre. Et cette liberté de jeu est extrêmement rare. Robert Downey est anticonformiste dans tout ce qu’il fait. Pour moi il n’as pas d’équivalent. Et c’est fascinant. Et du point de vue du jeu, je fais ce que je peu pour mettre en valeur son talent. Quant aux autres, Viggo Mortensen, sans compter son charisme, est un acteur magnifique qui n’a pas peur d’ouvrir totalement sa complexité d’être humain. D’ailleurs plus on fréquente les films d’auteur, plus on ouvre le livre de l’humain. De sa complexité et de ses abîmes. Et il n’a pratiquement choisi que des films où on pouvait être en prise avec ça. Et je l’apprécie infiniment.

Au delà du doublage vous avez aussi participé à des documentaires, de la publicité et des livres audio. C’est un travail compliqué l’exercice du livre audio ?

Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus difficile, le livre audio. D’abord il y a la question de la lecture à haute voix. Il faut aimer ça et c’est mon cas. J’en ai fait beaucoup car je travaille depuis longtemps à la radio. J’ai lu beaucoup de choses, des extraits d’œuvres de toutes sortes, des feuilletons etc. pour France Culture, donc l’exercice me plaît beaucoup. En ce moment je participe à l’émission « Les chemins de la philosophie ». Le livre audio est un défi parce que lorsqu’on entre dans une œuvre en tant que lecteur, on déploie son imaginaire. Et quand on donne ça à entendre, il y a déjà une voix qui est d’une certaine manière imposée. Cette voix a pour défi de restituer le livre aussi largement et librement que possible. C’est ça qui est difficile : il faut non seulement être vivant et faire entendre ce que l’auteur a écrit et à la fois ne pas être « devant » de manière à ne pas encombrer ou gêner l’imaginaire de l’auditeur. De plus il faut tenir vocalement. C’est un travail éprouvant qui dure des heures et des heures. Il faut être en forme et ménager sa voix. Sinon elle peut se voiler et ne plus être « raccord » c’est à dire homogène avec ce qui précède. Donc oui c’est un travail très difficile et un défi constant. Si on jette un pont vers le doublage, on pourrait dire que la aussi il s’agit de faire le maximum pour se faire oublier.

C’est pour ça que je dis que je ne suis pas qu’une voix car quand je double quelqu’un, je mets dans le jeu tout mon corps, tout mon cœur et tout mon esprit.

Bernard Gabay, au micro de Tom Hargé

Vous êtes aussi la voix de Bagheera qui prône la sagesse dans Le Livre de la Jungle. Est-ce que ce rôle, ou un autre dans le même genre, se rapproche de vous non pas en tant que comédien mais en tant que personne ?

Quand j’y réfléchis, c’est vrai qu’on m’a souvent confié des personnages du style « Maître Yoda », bien que ce ne soit pas moi qui l’ai doublé ! *rires* Des personnages protecteurs qui sont plein de sagesse et qui ont une expression à transmettre. Ils apportent des valeurs au film et ça reste très agréable à dire et à jouer. Et c’est vrai que quand je suis là, à parler du métier d’acteur à travers le doublage, je me sens humble. Je suis totalement au service de ces acteurs et de l’image du film. J’ai comme une forme de réserve encore plus manifeste quand je m’exprime ici. Parce que c’est vrai que ça intéresse plein de monde, plein de jeunes. Et c’est d’ailleurs très bien d’en parler un peu plus car ce n’est pas toujours connu ou du moins on ne sait pas trop comment ça se passe.

Justement, notre objectif avec cette rubrique est de faire découvrir cette partie du métier d’acteur, que les gens cessent de reconnaitre une voix et disent « Tiens c’est la voix de.. » Mais plutôt qu’ils reconnaissent l’acteur derrière cette voix.

C’est super ce que vous dites parce que ça fait justement partie des choses qu’on ne sait pas. On a l’impression que ce sont des voix, que l’on aime ou non, qui arrivent comme ça. Mais il y a une infinité de choses qu’il faut savoir. Cela demande déjà un travail d’acteur. Parce que pour restituer quelque chose du jeu de l’acteur original, il faut absolument chercher ce qu’il exprime et ce n’est pas du karaoké avec une chanson qu’on connait bien. C’est complètement autre chose qui demande un investissement et des ressources d’acteur. C’est pour ça que je dis que je ne suis pas qu’une voix car quand je double quelqu’un, je mets dans le jeu tout mon corps, tout mon cœur et tout mon esprit. Il y a mille choses constamment qui sont aussi tout ce que j’ai cherché pendant des années pour essayer d’être à la hauteur. C’est vraiment un exercice d’acteur ou d’actrice quand on est dans cette activité là. Ça ne s’improvise pas, ça c’est clair. Et je tiens à dire combien est crucial le rôle des auteurs ( D’ailleurs, je trouve que les dialoguistes femmes sont souvent excellentes voire meilleures ) et des directeurs artistiques ( Où les femmes sont excellentes aussi ). On ne travaille pas tout seul !

Et bien merci beaucoup Bernard c’était très sympa !

Merci à vous ! Bon courage et au plaisir !

Image de couverture : Portrait de Bernard Gabay – ©Thierry Hugon

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